Le livre de la zone

Un remake du Livre de la Jungle (extrait original plus bas)

Sa caisse est la honte du banlieusard, ses cornes du cocu sont le désespoir

Sois sale, car aux taches de la chemise on connaît celui qui a bien bouffé.

Que la flicaille ait la corne molle, et les juges le cerveau flasque

Ferme-là, on le savait depuis dix ans.

Embête toujours les gamins d’autrui, et nomme-les Caca et Boudin
Parce qu’ils sont faibles et balourds, et que leur mère ne court pas vite.

La vieillesse dit : ” Qui donc me vaut ! ” en la gloriole de son ascenseur –
Mais la cité est grande et le vieillard sénile. Il doit la fermer et essayer de pisser droit.

Maximes de Bagout

 

« Non, Barriga, tu ne comprends pas. Ce gosse, il a du potentiel, mais faut lui expliquer comment ça marche, sinon il va se faire bouffer. La cité, c’est pas Disneyland ! Il est futé, habile, rien à voir avec les gamins d’ici, les neurones cramés à la meth avant même de naître. Il ira loin. Alors, il faut qu’il apprenne !
Il sait déjà se faufiler sans bruit dans n’importe quel bâtiment, scraffer  délicatement un portefeuille ou un portable dans une poche, et ouvrir les cadenas et les menottes. On travaille sur les serrures un peu retorses, en ce moment.
Je lui ai montré comment éviter les keufs, repérer les caméras de surveillance à vingt mètres, camoufler son visage, toujours avoir l’air d’un innocent petit garçon qui revient d’une commission pour Maman, une boîte de sauce tomate ou un magazine à la main. Dans le quartier, tout le monde se méfie de tout le monde, même d’un gamin, s’il a un air pas catholique. Lui, ajoute-t-il avec fierté, tu le verrais embobiner les vieilles, avec sa mine d’avoir pris un Boeing sur la tête, il met toutes les femmes dans sa poche.

– Tu lui as vraiment déjà appris tout ça ? Il est si jeune, comment fait-il pour tout retenir ?
– On n’est jamais trop jeune pour se faire démonter par un gang, Barriga ! Il a la tête dure, crois-moi, mais quelques baffes bien ajustées et il sait toutes ses leçons ! gronda Bagout, les sourcils froncés comme s’il voulait en balancer une à Barriga.
– Ouais, Bagout, je veux bien, mais tu vas finir par lui dévisser le cou, tu as vu tes paluches ? Fais gaffe, quand même, ne vas pas me l’abimer ! En plus, ce n’est pas à coups de torgnoles que tu vas en faire un chef de gang respecté, de ce petit gringalet.
– T’inquiète, Barriga, ma méthode est au point. Tiens, tu vas voir par toi-même !

Bagout renversa la tête en arrière et cria sous la fenêtre du premier :
– M’Ugly ! M’Ugly, amène tes miches ! Viens montrer à Barriga tout ce que tu sais faire !
– J’veux bien, mais c’est pas pour ta pomme, c’est pour Barriga que je le fais, annonça une petite voix boudeuse au-dessus d’eux. J’ai encore les oreilles qui sifflent de ta leçon de ce matin.

Et M’Ugly descendit lentement les escaliers, l’air renfrogné et cinq grosses traces rouges en travers d’une joue.

– Allez, fais pas ta chochotte, un jour tu me remercieras, fanfaronna Bagout, le regard teinté d’un éclair de tristesse. Tiens, montre-lui le sifflement du chouf.

Fier comme Artaban, M’Ugly se campa sur ses petites jambes torses terminées par des Converse tombées-du-camion, avança les lèvres et laissa échapper un sifflement perçant, très haut perché dans les aigus et cependant si ténu que Barriga se demandait si c’était à l’intérieur ou à l’extérieur de sa tête que ça se passait.
– Les poches, maintenant.
M’Ugly fit rapidement le tour des deux compères, puis partit se percher sur un banc, un portable à la main.
– Ouah ! Bagout ! Tu as l’appli Adopte-un-plouc ! C’est toi, la photo du profil ? Depuis quand tu es blond et tu as trente ans ?

– Rends-moi ça tout de suite, petit con ! Bagout s’emballa, écarlate. Ça ne se fait pas, de lire les portables des membres du gang. Question de respect !

Il lui arracha l’objet du délit et, d’une chiquenaude, l’envoya rouler entre les pattes de Barriga, puis annonça avec orgueil :
– Là ! Tu vois ! Il est blindé pour affronter la rue, et c’est grâce à qui ? Á bibi !
– Bien armé, tu l’as dit, mais est-il protégé contre son propre gang ? murmura Barriga, songeur.

Il se pencha vers M’Ugly et l’interpela. Qu’est-ce qu’il t’arrive, moucheron ? Tu veux m’arracher la jambe ?
M’Ugly secouait vigoureusement le pantalon de Barriga, cherchant à attirer leur attention. Il se dressa devant les deux compères et déclara fièrement :
– Moi aussi, un jour, j’aurai mon gang, on ira tous à la messe et on aimera les autres.
– Qu’est-ce que tu racontes, mon petit lapin bleu ?
– Oui, et on donnera des sous aux pauvres. Ils me l’ont pro…

M’Ugly ne termina pas sa phrase, balayé par une gigantesque beigne qui l’envoya par terre, les quatre fers en l’air. Les yeux de Bagout lançaient des flammes.
– Tu es allé fricoter avec les Évangélistes, toi ! tonna-t-il.

M’Ugly pleurnichait, la main sur sa joue endolorie :
– Ils sont gentils et ne donnent jamais de baffes, eux. C’est écrit là-dedans, tiens, regarde  ce qu’ils m’ont donné.
Et il tendit une bible à Bagout. Bagout prit le livre et lui en assena un grand coup sur la tête.

– On ne parle pas aux Évangélistes. Ils t’ont embobiné avec leurs salades, imbécile. Des fadaises de Paradis et de résurrection, que des mensonges. Le Paradis, c’est ici et c’est nous qui le faisons. Pas besoin d’un barbu pour ça. C’est interdit d’aller leur parler, tu m’entends ? C’est pas avec ça que tu vas te faire un nom dans la cité, à part « Chiffe molle ».

– Ils m’ont emmené dans la sacristie, après ta grosse baffe, ils m’ont mis de la glace sur la bosse, ils m’ont dit que je serai leur sauveur, que Dieu m’a créé à son image, alors je les trouve très gentils, plus gentils que toi !

Au loin retentissaient les psaumes depuis la petite chapelle taguée de graffitis graveleux, braillés par la troupe de fidèles ce dimanche matin. M’Ugly afficha un sourire béat, il reprit le cantique à mi-voix.
– Arrête de dire des âneries, ce ne sont que des menteurs débiles qui courent après les gosses pour les embobiner, ils boivent du pinard, mangent des trucs blancs même pas comestibles, personne ne les fréquente dans les gangs !
M’Ugly tapa du pied, la face illuminée, tout le corps tendu vers l’église.

– Je veux y aller, allez, laisse-moi y aller ! Je veux je veux !

Bagout attrapa M’Ugly, le jeta sur son épaule et s’engouffra dans le hall de l’immeuble pendant que le gamin tambourinait son large dos en sanglotant :  « Jésus m’aime, tu entends ? Ils me l‘ont dit, Jésus m’aime !

 

Le texte :

Ses taches sont l’orgueil du léopard, ses cornes du buffle sont l’honneur

Sois net, car à l’éclat de la robe on connaît la force du chasseur.

Que le sambhur ait la corne aiguë, et le taureau les muscles puissants

Ne prends pas le soin de nous l’apprendre  : on savait cela depuis dix ans.

Ne moleste jamais les petits d’autrui, mais nomme-les Sœur et Frère
Sans doute ils sont faibles et balourds, mais peut-être que l’Ourse est leur mère.

La jeunesse dit  : «  Qui donc me vaut  !  » en l’orgueil de son premier gibier
Mais la jungle est grande et le jeune est petit. Il doit se taire et méditer.

Maximes de Baloo.

* * *

Tout ce que nous allons dire ici arriva quelque temps avant que Mowgli eût été banni du Clan des Loups de Seeonee, ou se fût vengé de Shere Khan, le Tigre.

En ces jours-là, Baloo lui enseignait la Loi de la Jungle. Le grand Ours brun, vieux et grave, se réjouissait d’un élève à l’intelligence si prompte  ; car les jeunes loups ne veulent apprendre de la Loi de la Jungle que ce qui concerne leur Clan et leur tribu, et décampent dès qu’ils peuvent répéter le refrain de chasse  : «  Pieds qui ne font pas de bruit  ; yeux qui voient dans l’ombre  ; oreilles tendues au vent, du fond des cavernes, et dents blanches pour mordre  : qui porte ces signes est de nos frères, sauf Tabaqui le Chacal et l’Hyène, que nous haïssons.  » Mais Mowgli, comme petit d’homme, en dut apprendre bien plus long.

Quelquefois Bagheera, la Panthère Noire, venait en flânant au travers de la Jungle, voir ce que devenait son favori, et restait à ronronner, la tête contre un arbre, pendant que Mowgli récitait à Baloo la leçon du jour. L’enfant savait grimper presque aussi bien qu’il savait nager, et nager presque aussi bien qu’il savait courir  ; aussi Baloo, le Docteur de la Loi, lui apprenait-il les Lois des Bois et des Eaux  : à distinguer une branche pourrie d’une branche saine  ; à parler poliment aux abeilles sauvages quand il rencontrait par surprise un de leurs essaims à cinquante pieds au-dessus du sol  ; les paroles à dire à Mang, la Chauve-Souris, quand il la dérangeait dans les branches au milieu du jour  ; et la façon d’avertir les serpents d’eau dans les mares avant de plonger au milieu d’eux. Dans la Jungle, personne n’aime à être dérangé, et on y est toujours prêt à se jeter sur l’intrus.

En outre, Mowgli apprit également le cri de chasse de l’Étranger, qu’un habitant de la Jungle, toutes les fois qu’il chasse hors de son terrain, doit répéter à voix haute jusqu’à ce qu’il ait reçu réponse. Traduit, il signifie  : «  Donnez-moi liberté de chasser ici, j’ai faim  »  ; la réponse est  : «  Chasse donc pour ta faim, mais non pour ton plaisir.  »

Tout cela vous donnera une idée de ce qu’il fallait à Mowgli apprendre par cœur  : et il se fatiguait beaucoup d’avoir à répéter cent fois la même chose. Mais, comme Baloo le disait à Bagheera, un jour que Mowgli avait reçu la correction d’un coup de patte et s’en était allé bouder  :

—  Un petit d’homme est un petit d’homme, et il doit apprendre toute… tu entends bien, toute la Loi de la Jungle.

—  Oui, mais pense combien il est petit, dit la Panthère Noire, qui aurait gâté Mowgli si elle avait fait à sa guise. Comment sa petite tête peut-elle garder tous tes longs discours  ?

—  Y a-t-il quelque chose dans la Jungle de trop petit pour être tué  ? Non, c’est pourquoi je lui enseigne ces choses, et c’est pourquoi je le corrige, oh  ! très doucement, lorsqu’il oublie.

—  Doucement  ! Tu t’y connais, en douceur, vieux Pied de fer, grogna Bagheera. Elle lui a joliment meurtri le visage, aujourd’hui, ta… douceur. Fi  !

—  J’aime mieux le voir meurtri de la tête aux pieds par moi qui l’aime, que mésaventure lui survenir à cause de son ignorance, répondit Baloo avec beaucoup de chaleur. Je suis en train de lui apprendre les Maîtres Mots de la Jungle appelés à le protéger auprès des oiseaux, du Peuple Serpent, et de tout ce qui passe sur quatre pieds, sauf son propre Clan. Il peut maintenant, s’il veut seulement se rappeler les mots, se réclamer de toute la Jungle. Est-ce que cela ne vaut pas une petite correction  ?

—  Eh bien  ! en tout cas, prends garde à ne me point tuer mon Petit d’Homme. Ce n’est pas un tronc d’arbre bon à aiguiser tes griffes émoussées. Mais quels sont ces Maîtres Mots  ? Il me convient plutôt d’accorder aide que d’en demander. ——  Bagheera étira une de ses pattes pour en admirer les griffes, dont l’acier bleu s’aiguisait au bout comme un ciseau à froid.  —— Toutefois, j’aimerais savoir.

—  Je vais appeler Mowgli pour qu’il te les dise, s’il est disposé. Viens, Petit Frère  !

—  Ma tête sonne comme un arbre à frelons, dit une petite voix maussade au-dessus de leurs têtes.

Et Mowgli se laissa glisser le long d’un tronc d’arbre. Il avait la mine fâchée, et ce fut avec pétulance qu’au moment de toucher le sol il ajouta  :

—  Je viens pour Bagheera et non pour toi, vieux Baloo.

—  Peu m’importe, dit Baloo, froissé et peiné. Répète alors à Bagheera les Maîtres Mots de la Jungle, que je t’ai appris aujourd’hui.

—  Les Maîtres Mots pour quel peuple ? demanda Mowgli, charmé de se faire valoir. La Jungle a beaucoup de langues, et moi je les connais toutes.

—  Tu sais quelque chose, mais pas beaucoup. Vois, Bagheera, ils ne remercient jamais leur maître. Jamais le moindre louveteau ne vint il remercier le vieux Baloo de ses leçons ?… Dis le mot pour les Peuples Chasseurs, alors… grand savant.

—  Nous sommes du même sang, vous et moi, dit Mowgli en donnant aux mots l’accent ours dont se sert tout le Peuple Chasseur.

—  Bien… Maintenant, pour les oiseaux.

Mowgli répéta, en ajoutant le cri du vautour à la fin de la phrase.

—  Maintenant, pour le Peuple Serpent, dit Bagheera.

La réponse fut un sifflement tout à fait indescriptible, après quoi Mowgli se donna du pied dans le derrière, battit des mains pour s’applaudir lui-même, et sauta sur le dos de Bagheera, où il s’assit de côté, pour jouer du tambour avec ses talons sur le pelage luisant, et faire à Baloo les plus affreuses grimaces qu’il pût imaginer.

—  Là… là  ! Cela valait bien une petite correction, dit avec tendresse l’Ours brun. Un jour peut-être tu m’en sauras gré.

Puis il se retourna pour dire à Bagheera comment l’enfant avait appris les Maîtres Mots de Hathi, l’Éléphant sauvage, qui sait tout ce qui a rapport à ces choses, et comment Hathi avait mené Mowgli à une mare pour apprendre d’un serpent d’eau le mot des Serpents, que Baloo ne pouvait prononcer  ; et comment Mowgli se trouvait maintenant suffisamment garanti contre tous accidents possibles dans la Jungle, parce que ni serpent, ni oiseau, ni bête à quatre pieds ne lui ferait de mal.

—  Personne n’est donc à craindre, conclut Baloo, en caressant avec orgueil son gros ventre fourré.

—  Sauf ceux de sa propre tribu, dit à voix basse Bagheera.

Puis, tout haut, s’adressant à Mowgli :

—  Fais attention à mes côtes, Petit Frère ; qu’as-tu donc à danser ainsi ?

Mowgli, voulant se faire entendre, tirait à pleines poignées sur l’épaule de Bagheera, et lui administrait de vigoureux coups de pied. Quand, enfin, tous deux prêtèrent l’oreille, il cria très fort :

—  Moi aussi, j’aurai une tribu à moi, une tribu à conduire à travers les branches toute la journée.

—  Quelle est cette nouvelle folie, petit songeur de chimères ? dit Bagheera.

——  Oui, et pour jeter des branches et de la crotte au vieux Baloo, continua Mowgli. Ils me l’ont promis. Ah !

—  Whoof !

La grosse patte de Baloo jeta Mowgli à bas du dos de Bagheera, et l’enfant, tombé en boule entre les grosses pattes de devant, put voir que l’Ours était en colère.

—  Mowgli, dit Baloo, tu as parlé aux Bandar-log, le Peuple Singe.

Mowgli regarda Bagheera pour voir si la Panthère se fâchait aussi : les yeux de Bagheera étaient aussi durs que des pierres de jade.

—  Tu as frayé avec le Peuple Singe… les singes gris… le peuple sans loi… les mangeurs de tout. C’est une grande honte.

—  Quand Baloo m’a meurtri la tête, dit Mowgli (il était encore sur le dos), je suis parti, et les singes gris sont descendus des arbres pour s’apitoyer sur moi. Personne autre ne s’en souciait.

Il se mit à pleurnicher.

—  La pitié du Peuple Singe ! Ronfla Baloo. Le calme du torrent de montagne ! La fraîcheur du soleil d’été  !… Et alors. Petit d’Homme ?

—  Et alors… alors, ils m’ont donné des noix et tout plein de bonnes choses à manger, et ils… ils m’ont emporté dans leurs bras au sommet des arbres, pour me dire que j’étais leur frère par le sang, sauf que je n’avais pas de queue, et qu’un jour je serais leur chef.

—  Ils n’ont pas de chefs, dit Bagheera. Ils mentent, ils ont toujours menti.

—  Ils ont été très bons, et m’ont prié de revenir. Pourquoi ne m’a-t-on jamais mené chez le Peuple Singe ! Ils se tiennent sur leurs pieds comme moi. Ils ne cognent pas avec de grosses pattes. Ils jouent toute la journée… Laissez-moi monter  !… Vilain Baloo, laisse-moi monter. Je veux retourner jouer avec eux.

—  Écoute, Petit d’Homme, dit l’Ours, ——  et sa voix gronda comme le tonnerre dans la nuit chaude.  —— Je t’ai appris toute la Loi de la Jungle pour tous les Peuples de la Jungle… sauf le Peuple Singe, qui vit dans les arbres. Ils n’ont pas de loi. Ils n’ont pas de patrie. Ils n’ont pas de langage à eux, mais se servent de mots volés, entendus par hasard lorsqu’ils écoutent et nous épient, là-haut, à l’affût dans les branches. Leur chemin n’est pas le nôtre. Ils n’ont pas de chefs. Ils n’ont pas de mémoire. Ils se vantent et jacassent, et se donnent pour un grand peuple prêt à faire de grandes choses dans la Jungle ; mais la chute d’une noix suffit à détourner leurs idées, ils rient, et tout est oublié. Nous autres de la Jungle, nous n’avons aucun rapport avec eux. Nous ne buvons pas où boivent les singes, nous n’allons pas où vont les singes, nous ne chassons pas où ils chassent, nous ne mourons pas où ils meurent. M’as-tu jamais jusqu’à ce jour entendu parler des Bandar-log ?

—  Non, dit Mowgli tout bas, car le silence était très grand dans la forêt, maintenant que Baloo avait fini de parler.

—  Le Peuple de la Jungle a banni leur nom de sa bouche et de sa pensée. Ils sont nombreux, méchants, malpropres, sans pudeur, et ils désirent, autant qu’ils sont capables de fixer un désir, que le Peuple de la Jungle fasse attention à eux… Mais nous ne faisons point attention à eux, même lorsqu’ils nous jettent des noix et du bois mort sur la tête.

Il avait à peine achevé qu’une grêle de noix et de brindilles dégringola au travers du feuillage ; et on put entendre des toux, des ébrouements et des bonds irrités, très haut dans les branches.

—  Le Peuple Singe est interdit, prononça Baloo, interdit auprès du Peuple de la Jungle. Souviens-t ‘en.

—  Interdit, répéta Bagheera ; mais je pense tout de même que Baloo aurait dû te prémunir contre eux…

—  Moi… Moi ? Comment aurais-je deviné qu’il irait jouer avec pareille ordure ? Le Peuple Singe ! Pouah !

Une nouvelle grêle s’abattit sur leurs têtes, et ils détalèrent au trot, emmenant Mowgli avec eux.