Les grands chemins, le curé (resserrement)

La Version originale de Jean Giono fait 4 pages, 10000 signes

Premier resserrement (1,5 pages, 3 000 signes)

 

Je suis la route, mais j’en ai marre. J’espère trouver des habitations. Un bruit de pas, derrière moi. Je m’arrête. Je toussote.

Une voix jeune demande qui c’est. Je réponds que c’est moi. Il s’approche. Je n’y vois goutte. Je demande si j’ai une chance de trouver une piaule, dans ce bled. Il y va. C’est à trois kilomètres. Je peux accompagner ? « Bien sûr ». Alors on repart.

Bizarre, ce bruit de jupes. Je demande, prudemment :

– Homme ou femme ?

– Curé.

Il est culotté. Il y a des dangers, la nuit, sur les routes. Mais les gens l’appellent, la nuit, pour mourir en Chrétien. Il n’y peut rien.

Silence et parfums, musique des pas, lumières dans la nuit, certitude d’un abri.

Je demande quand même. C’est oui. Chez lui.

Un chemin de traverse, au loin, on aperçoit une lumière. Après des tours et détours, on y arrive. Une lampe électrique sur un poteau, à l’entrée du village. Sept à huit maisons, des vergers, des potagers. Je le vois enfin : un tout jeune curé. Après la grille du cimetière, on entre chez lui.

Lumière. C’est un petit gars, la tête en boule et pas rasé.

– Ce n’est pas luxueux, hein ?

– Si, c’est très bien.

Un fourneau chaud, la soupe chaude. Des livres.

La soupe est excellente. J’aime. Neuf heures et demie au réveil.

Une paillasse par terre ? Un vrai paradis. Il sort du tabac, du vin. On palabre. C’est comment, son boulot ? Très chic. Les trois vieilles sont pour, Les jeunes suivent. Les hommes ne s’en mêlent pas. Question argent, ils le payent en légumes et en bois de chauffage. Quatre hameaux et le ski ; je le penserais très content si son regard ne fuyait pas.

Il voit à quoi je pense. Il s’occupe aussi des jeunes. Les petits à la mer. Et pour les jeunes gens, le football dans un pré. Ils sont passionnés.

Et pour moi ? Il me confesse, en douce. Je réponds volontiers. Il a une idée derrière la tête. Pourquoi j’ai quitté ma dernière place ? C’est simplement que j’aime partir.

— En hiver ?

— L’hiver, je reste.

Long silence. J’attends. La curiosité le mange. Il parle des hommes de tout repos. Ça existe ? Je ne vois pas, mais je le rassure quand même.

Je raconte une histoire, enjolivée.

Je le lui dépeins, ce moi, qui est vraiment de tout repos. Je lui cite des endroits précis. Des noms.

Il n’est pas très convaincu. Il a très envie de quelque chose, mais ça le gêne.

S’expliquer clairement irait très vite mais nous avons notre intérêt personnel. Ce n’est pas la vertu qu’il cherche, mais je ne vais pas l’aider.

Il utilise de grands mots. Je l’écoute, mais il sent bien que ça ne prend pas.

Finalement on met cette paillasse par terre.

Je demande si quelqu’un a besoin d’un homme. L’hiver n’est pas loin.

– Une dame seule aurait besoin d’un homme pour les gros travaux.

— Quel âge ?

— Presque quatre-vingts ;

Puis on dort.

Le matin, il dit sa messe, je fends du bois. Après, le café.

— La dame, donnez-moi un mot, j’irai voir. Il compose.

Une lettre de curé, c’est toujours bon. Ouverte ?  « Cachetez-la. »

 

Deuxième resserrement (0.5 pages, 1300 signes)

Je suis la route. Interminable. Désert humain. Dans l’obscurité, un bruit de pas. Décidé.

Politesses. Une voix jeune et masculine, accompagnée d’un bruit de jupes.

Gêné, mais intrigué, j’ose :

– Homme ou femme ?

– Curé ! Un décès.

Silence et parfums, accord des pas, lumières dans la nuit, certitude d’un abri. Plénitude.

Chemins de traverse jusqu’au hameau. Chez lui, le fourneau est chaud, la soupe aussi. Et des livres. Excellente, la soupe. J’aime.

Une paillasse par terre ? C’est le paradis. Il sort du tabac et du vin. Palabres. Son boulot ? Mal payé, mais facile.  Et il y a les jeunes. Il a l’air content, l’air seulement.

Il demande pour moi ? Je lui dis que j’aime partir. Sauf l’hiver. L’hiver, je reste.

Silence. Curiosité. Il élude puis se lance, nerveusement. Il parle des hommes de tout repos. Je ne vois pas, mais je le rassure.

Je suis homme de tout repos. La preuve ? Je cite des endroits, des noms. Il n’est pas très convaincu. Il veut plus, mais pas moi. Il essaye timidement. Ça ne prend pas. Finalement on met la paillasse par terre.

— Si quelqu’un a besoin. L’hiver n’est pas loin.

— Une vieille dame, seule, pour les gros travaux.

Je lui demande un mot.  « Cacheté, s’il vous plaît. »

 

troisième resserrement : (214 signes)

Un curé dans la nuit. Il m’offre l’abri. Il sert la soupe chaude, met une paillasse par terre.  Puis je demande si quelqu’un embauche. L’hiver n’est pas loin. Il sait une vieille dame, seule. Il me fait un mot.

 

Haiku (jai bien aimé l’idée… )

Voyageur de nuit
Soupe chaude et un ami
L'hiver à l'abri